Sur les réseaux sociaux, on a l'impression parfois qu'il faut être parfait d'un point de vue moral. Qu'est-ce que vous en pensez, vous qui êtes philosophe ?
Oui, c'est une sorte de quête de pureté totale, c'est-à-dire pureté morale, qui s'explique dans un contexte où effectivement on n'a plus de grand récit, ce qu'on appelait les grands récits, soit les idéologies, soit les religions, qui permettaient d'avoir une grille de lecture sur le monde, et faute de ce grand récit, le monde devient complexe, c'està-dire qu'on ne comprend plus.
Et les catégories qui se présentent à nous les plus simples, les plus évidentes, c'est bien et mal.
Et évidemment le bien, c'est une quête infinie.
Il faut le chercher toujours, il y a une sorte de de de quête absolue de pureté morale.
J'allais dire c'est très intéressant, parce que le mal existe à bien des égards plus que le bien, c'est-à-dire, voyez, quand on est malade, on voit qu'on est malade, quand on est en bonne santé, on l'oublie, le salaud, on le repère, la personne bienveillante et bienfaisante, il y a toujours un doute, on va essayer de décrypter, de voir...
Donc, voyez, c'est cette logique de radicalité, de quête de la pureté, de la bonté, avec, j'ajoute ce point. Qu'au fond, dénoncer le mal des autres nous fait exister aussi, c'est quelque chose qui remplit notre existence.
Dans une existence effectivement individuelle, on a le sentiment qu'on ne sait plus trop où on est dans ce monde illisible, eh bien, dénoncer, s'indigner permet de sentir qu'on existe.
Et ça, c'est un point qui, je pense, est important pour expliquer la dynamique actuelle des réseaux sociaux.
Du point de vue de l'hygiène personnelle, je pense que le principe sur ces questions, c'est d'essayer de penser contre soi-même, c'est-à-dire d'essayer de se penser à la place d'autrui.